Au regard des problèmes qui minent actuellement la protection sociale de l’enfance en général et la prise en charge des enfants vulnérables en particulier, les principaux défis à relever par le pays pour leur épanouissement optimal portent notamment sur:
- L’élaboration d’un document national de politique de protection sociale de l’enfance,
- La création d’une véritable instance nationale autonome de coordination des interventions menées en matière de protection de l’enfance,
- La disponibilité d’une base nationale dynamique de données sur les enfants vulnérables,
- Le renforcement du cadre législatif par aboutissement du processus d’adoption des avant- projets de loi portant respectivement Code de Protection de l’Enfant et Code des Personnes et de la Famille;
- Le renforcement du cadre institutionnel par la mise en œuvre effective des décrets n° 2001/109/PM du 20 mars 2001 fixant l’organisation et le fonctionnement des institutions publiques d’encadrement des mineurs et de rééducation des mineurs inadaptés sociaux et n° 2001/110/PM du 20 mars 2001 fixant l’organisation et le fonctionnement des institutions publiques d’encadrement de la petite enfance, en vue de doter le pays de suffisamment de structures pour l’encadrement des enfants vulnérables,
- L’aboutissement de l’adoption du statut des Travailleurs Sociaux,
- L’augmentation des personnels sociaux et le renforcement continu de leurs capacités techniques,
- L’aboutissement du processus de définition des normes nationales d’intervention en matière d’encadrement des enfants vulnérables,
- L’augmentation des ressources financières allouées au secteur social en général et aux Affaires Sociales en particulier,
- La poursuite de la mise en œuvre du Document Cadre de Politique Nationale de Développement Intégral du Jeune Enfant
- Le renforcement du partenariat par l’élaboration de nombreux projets et programmes en faveur des enfants et la recherche de partenaires pour leur financement.
Promotion de l'enfant
La protection des droits de l’Homme en général et ceux de l’enfant en particulier est encadrée au Cameroun par un arsenal juridique constitué par les protocoles, Chartes et Conventions internationales ratifiées, les lois et règlements nationaux.
Dans ce sens, il y a lieu de signaler que la loi n°06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution de 1972 en son préambule, proclame que «l’être humain, sans distinction de race, religion, de sexe, de croyance, possède des droits inaliénables sacrés ». Il y est affirmé par ailleurs l’attachement du Cameroun aux libertés fondamentales inscrites dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la Charte des Nations Unies, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et dans toutes conventions internationales y relatives et dûment ratifiées.
Au plan international, comme l’affirmait le Chef de l’Etat, Son Excellence Monsieur Paul BIYA au cours de la Session extraordinaire de l’ONU consacrée aux enfants en 2002, «le Cameroun a ratifié la quasi-totalité des instruments juridiques internationaux consacrés à l’enfant. »
On peut ainsi citer de manière non exhaustive :
- La Convention relative aux Droits de l’Enfant, le 11 janvier 1993 ;
- La Charte Africaines des Droits et du Bien-être de l’Enfant, le 05 septembre 1996;
- la Convention n°138 de l’OIT sur l’âge minimum d’admission à l’emploi, le 14 avril 1998;
- la Convention n°182 de l’OIT sur l’élimination des pires formes de travail des enfants, le 27 mai 2002 ;
- le protocole facultatif à la CDE du 18 décembre 1989 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, instrument d’adhésion datant du 04 décembre 2004 ;
- le protocole additionnel à la convention des Nations unies du 15 novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée, protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants. Protocole ratifié par le Cameroun par décret du 18 novembre 2004.
Au plan national,
En marge de son adhésion aux divers instruments juridiques internationaux qui précédent, le Gouvernement camerounais à toujours placé l’enfant au centre de ses préoccupations. Aussi a-t-il adopté depuis les indépendances, des mesures législatives et réglementaires déterminantes pour l’application des droits de l’enfant, et enclenché des procédures qui se trouvent à des stades très avancés, Ces mesures sont les suivantes :
Le Code Civil qui règle le problème de la responsabilité parentale en ses articles 1384 et suivants.
Le Code Pénal dans lequel la protection des droits des enfants est mise en évidence, notamment dans les dispositions des articles 29, 39 al.6, 48, 80, 179 (garde d’un mineur), 340 (infanticide), 341 (atteinte à la filiation), 342 (esclavage et mise en gage) 198 al 1 (b) et (c) (publications interdites) et les articles 337 et suivants qui traitent des atteintes à l’enfant et à la famille ;
l’adoption de la loi n°2005/007/ du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale qui comporte de nombreuses dispositions favorables à l’enfant auteur ou victime d’infraction ;
l’adoption de la loi n°2011/024 du 14/12/2011 relative à la lutte contre le trafic et la traite des personnes abrogeant la loi n°2005/015 du 29/12/2005 relative à la lutte contre le trafic et la traite des enfants;
le décret n°2011/408 du 09/12/2011portant organisation du Gouvernement qui institue plusieurs départements ministériels en charge de la réalisation des droits de l’enfant. Ce sont par exemple le Ministère des Affaires Sociales( protection sociale de l’enfant), le Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille( promotion des droits de l’enfant), le Ministère de l’Education de Base (enseignement maternel et primaire général), le Ministère des Enseignements Secondaires (enseignements technique et général), le Ministère de la Santé Publique (prévention et soins de santé à la mère et à l’enfant), le Ministère de la Jeunesse et de l’Education Civique (promotion de loisirs et activités post et périscolaires) etc.
l’adoption en perspective de la loi portant code des personnes et de la famille ;
la loi n°98/004 du 14 avril 1998 sur l’orientation scolaire qui fixe l’âge de la scolarisation obligatoire à 14 ans ;
le code du travail et les actes réglementaires relatifs aux travaux interdits aux enfants;
le décret n° 90-524 du 23 mars 1990, crèe une commission nationale pour la protection de l’enfance en danger moral, délinquante ou abandonnée ;
Le décret n°2001/041 du 19 février 2001 portant organisation des établissements scolaires publics et fixant les attributions des responsables de l’administration scolaire, qui en son article 47 institue l’exemption des contributions annuelles exigibles aux élèves des écoles primaires publiques pour donner effet à la gratuité de l’école primaire décidée par le Président de la République le 10 février 2000.
l’élaboration de deux avant-projets de lois portant respectivement Code de Protection de l’Enfant et Code des Personnes et de la Famille.
Au-delà du cadre juridique sus évoqué, diverses actions à effets directs ont été entreprises tant par l’Etat Camerounais que par les partenaires. Il s’agit notamment des programmes de Coopération avec les organismes internationaux des Nations Unies œuvrant dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’enfant : l’UNICEF, L’UNESCO, L’OIT/BIT, le Fonds Mondial etc.
La vulgarisation des droits de l’enfant est réalisée par :
L’organisation des campagnes de sensibilisation lors des journées de l’enfant africain (16 juin), des fêtes nationales de la Jeunesse (11 février) et d’autres événements nationaux ou locaux divers ;
L’organisation depuis 1998 des sessions de Parlement des Enfants avec formation des députés juniors aux droits de l’enfant et distribution de supports divers ;
La production de 15000 bandes dessinées sur la CDE distribuées aux enfants dans les écoles et autres milieux de vie au cours des campagnes de sensibilisation ;
La production des affiches et dépliants pour la sensibilisation populaire sur la violation des droits des enfants ;
L’organisation de plusieurs éditions annuelles des Journées Radios Télévision (JRTV) pour les enfants, basées sur la vulgarisation et la promotion des droits de l’enfant ;
L’intégration progressive des modules sur l’enseignement des droits de l’homme et de l’enfant dans les programmes scolaires et universitaires ;
La traduction et la diffusion de la CDE en langage simplifié locale quant à elle, se heurte au problème de la pluralité des langues nationales et à l’analphabétisme.
En perspective, la réalisation des droits de l’enfant interpelle :
La poursuite de l’amélioration déjà engagée du cadre juridique national par l’internalisation des dispositions des instruments juridiques internationaux ratifiés à travers notamment l’adoption des textes législatifs spécifiques et la création d’une structure autonome chargée du suivi de la mise en œuvre desdits droits.
Le renforcement du cadre institutionnel par la mise en œuvre effective des textes y relatifs ;
Le renforcement des capacités des services et des intervenants sociaux ;
La poursuite de la vulgarisation des droits de l’enfant tant auprès de ces derniers, de leurs parents que des communautés ;
Le renforcement du partenariat avec la société civile et de la coopération bi et multi latérale en matière de protection et de promotion des droits de l’enfant.
Enfant en conflit avec la loi
L’Enfant en Conflit avec la Loi (ECL) désigne toute personne de moins de 18 ans qui a commis seul ou en coaction une infraction ou qui en est complice ou accusée. Il s’agit d’un enfant dont les agissements tombent sous le coup de la loi et qui est appelé à faire face au système institutionnel de réparation des torts causés à autrui ou à la société.
On peut retrouver les ECL dans les Commissariats, les Tribunaux, les Prisons, les Institutions Publiques d’encadrement des mineurs et de rééducation des mineurs inadaptés sociaux, les Œuvres Sociales Privées d’encadrement des enfants, ou les familles.
Certains entrent en conflit avec la loi à la suite d’une plainte, de rafles des forces de sécurité ou d’une demande d’assistance des membres de leur famille. On pourrait donc les classer en 03 catégories :
les enfants à qui il ne peut être reproché que d’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment ;
les enfants inadaptés sociaux c’est-à-dire dont les troubles de comportement sont tels qu’ils sont incapables de s’adapter à leur environnement, de s’ajuster à la société, de jouer leur rôle social, et posent de ce fait un réel problème à leurs proches ;
les enfants délinquants, c’est-à-dire qui, au-delà des actes bénins caractéristiques de l’inadaptation sociale juvénile, ont franchi le pas en posant l’acte répréhensible auquel on confère la qualification juridique d’infraction.
Mesures spéciales de protection des ECL
Les ECL doivent bénéficier d’une séparation catégorielle avec les adultes sur les lieux de détention ou d’emprisonnement (Commissariat, Unités Territoriales de Gendarmerie, Prisons…).
Lors de l’enquête préliminaire concernant le mineur, le recours à la garde à vue ne doit intervenir qu’en cas d’absolue nécessité, et son audition se dérouler soit en présence de ses parents ou de tout autre responsable de la famille, soit en présence du Travailleur Social affecté à l’unité concernée
Lorsque la poursuite du mineur s’avère nécessaire et sous réserve des dispositions de l’article 80 du Code Pénal, celui convaincu de crime ou de délit ne peut l’être que par voie d’information judiciaire, une information qui mettra l’accent sur les investigations utiles à la connaissance de sa personnalité (le Code de Procédure Pénale envisage l’enquête sociale et l’examen médicale comme des mesures laissées à l’appréciation du Juge d’instruction et susceptibles d’y concourir). Par ailleurs, les mesures restrictives ou privatives de liberté susceptibles d’intervenir à ce stade de la Procédure sont exceptionnelles et doivent être prises par le Juge « dans l’intérêt du mineur ». Ce sont :
le placement (judiciaire) du mineur dans un centre d’accueil et d’observation, un centre de rééducation ou un centre d’hébergement (Cf. décret N°2001/109 du 20 mars 2001) ;
la mise sous garde du mineur est une mesure de surveillance judiciaire qui consiste à lui interdire de fréquenter certains milieux, personnes, de pratiquer des activités ayant un rapport avec l’acte reproché, et en lui faisant obligation de se rendre disponible pour la justice en répondant par exemple aux convocations de toute autorité judiciaire ;
la détention provisoire : Le souci de réinsertion sociale rapide du mineur a conduit le législateur à faire de la détention provisoire du mineur une exception. En effet, l’article 704 du CPP n’envisage cette mesure pour les mineurs de 12 à 14 ans qu’en cas d’assassinat, de meurtre ou de coups mortels et l’article 705 ne la prévoit pour les mineurs de 14 à 18 ans que si cette mesure est indispensable. Dans tous les cas, l’intérêt supérieur du mineur devra guider la décision du Juge, notamment lorsqu’il y aura lieu de craindre pour la sécurité de l’enfant. Lorsque la détention provisoire est inévitable, la loi exige qu’elle ne s’effectue que dans une institution appropriée. Il s’agit aux termes de l’article 706 des établissements de rééducation, ou alors un quartier spécial d’une prison habilitée à accueillir les mineurs.1
S’il y a déferrement, il doit être effectué dans des conditions privilégiant la protection du mineur contre des traumatismes pouvant résulter notamment des traitements inhumains et dégradants ou de l’exposition à une publicité de mauvais aloi.
Concernant le jugement des mineurs, les règles de procédure ont été simplifiées et harmonisées par le Code de Procédure Pénale (CPP). C’est ainsi que le Tribunal de Première Instance statuant en matière de délinquance juvénile est compétent pour connaître de tous les types d’infractions commises par le mineur âgé de plus de dix ans et de moins de 18 ans, sauf lorsqu’il est impliqué dans la même cause que des complices ou coauteurs majeurs. Ce tribunal est composé d’une collégialité hétérogène comprenant des magistrats professionnels et des assesseurs. Ces assesseurs sont des personnes nommées, « connues pour l’intérêt qu’elles portent aux questions de l’enfance ou pour leur compétence en la matière », dont le rôle est de conseiller le juge et dont l’opinion doit être prise en considération dans les décisions de justice. (Cf. art 710 du CPP). Par ailleurs, en vue de garantir un procès équitable et la protection de la vie privée du mineur, le législateur a prévu la désignation systématique d’un conseil et une publicité restreinte notamment par l’exigence du huis clos.
Bien plus, les mesures et les peines que le Tribunal peut infliger au mineur à l’issue du jugement doivent procéder du souci de resocialisation rapide de ce dernier. Elles sont mentionnées dans les articles 724 à 730 du CPP et varient selon l’âge du mineur, la nature de l’infraction et suivant qu’il s’agit ou non d’une récidive. Certaines sont privatives de liberté mais la plupart sont de véritables alternatives à l’emprisonnement. Ces alternatives sont la simple admonestation/réprimande, le placement du mineur dans une institution de rééducation, la mise en liberté surveillée, le placement dans un établissement de formation professionnelle ou de soins, l’engagement préventif, ou l’attribution de sa garde à ses parents, tuteur, gardien ou à toute personne digne de confiance. En tout état de cause, il est conseillé au juge de privilégier les mesures qui s’exécuteront dans le cadre de vie naturel de l’enfant, et d’opter pour la solution institutionnelle en dernier recours.
Indépendamment du type d’infraction commise, le mineur de 10 ans bénéficie d’une présomption irréfragable d’irresponsabilité pénale.
Prévention et prise en charge
La prévention du phénomène de l’Enfance en Conflit avec la Loi, tout comme sa prise en charge, interpelle autant la famille comme premier cadre de socialisation, que la communauté, les pouvoirs publics, les enfants eux-mêmes, les media, les structures privées d’encadrement des enfants, les organisations de la société civile, les collectivités territoriales décentralisées, et les confessions religieuses.
En effet :
Les parents doivent prendre conscience de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs enfants. Il s’agit par exemple de renforcer les capacités des enfants à assumer leurs devoirs et responsabilités, de leur transmettre le culte de l’effort, de leur inculquer le respect de la liberté d’autrui, l’amour de la Patrie et des valeurs socioculturelles positives (amour des parents, respect des ainés…).
Les enfants doivent quant à eux savoir que s’ils ont des droits, ils ont aussi des devoirs. La Charte Africaine des Droits et du Bien Etre de l’Enfant dispose en son article 31 que : « Tout enfant a des responsabilités envers sa famille, la société, l’Etat et toute autre communauté reconnue légalement ainsi qu’envers la communauté internationale ». Parmi ces obligations figurent le respect des institutions, des normes juridiques en vigueur et des normes sociales de leurs sociétés d’appartenance.
La communauté doit promouvoir la cohésion sociale et la solidarité envers les membres en difficulté, donc la gestion des formes bénignes d’inadaptation sociale par les réseaux sociaux secondaires, quand les parents sont dépassés ;
Les moyens d’actions des pouvoirs publics en matière de prévention et de traitement de l’inadaptation sociale juvénile ne se limitent pas à la mise en place du cadre juridique que nous avons évoqué. Les parents peuvent bénéficier d’un accompagnement technique dans la prise en main éducative de leurs enfants en se rapprochant par exemple des Centres Sociaux de leur arrondissement de résidence. Les Services de l’Action Sociale auprès des Commissariats, des Juridictions et des Etablissements pénitentiaires assurent entre autres le soutien psychosocial des mineurs dans la chaine d’administration de la justice juvénile. Des institutions publiques d’encadrement des mineurs et de rééducation des mineurs inadaptés sociaux assurent l’évaluation de leur situation et la restructuration de leur personnalité en vue d’une meilleure réinsertion sociale. Les administrations impliquées développent par ailleurs des programmes visant à renforcer les capacités des parents à jouer leur rôle, tels que le programme d’éducation parentale, le programme d’éducation des populations à la parenté responsable, le projet de lutte contre le phénomène des enfants de la rue. Ceci permettrait aux enfants d’éviter des comportements pernicieux.
Agissant dans le prolongement des actions étatiques, les structures privées d’encadrement des enfants accroissent les capacités nationales de prise en charge institutionnelle des enfants inadaptés sociaux en vue de leur réinsertion sociale.
Les organisations de la société civile doivent poursuivre le plaidoyer pour le respect et la réalisation des droits de l’enfant, promouvoir l’harmonie familiale, et assurer le relai des messages du Gouvernement au sein des communautés.
En octroyant les secours de l’Etat aux familles indigentes et en les appuyant dans la réalisation d’activités génératrices de revenus, les Collectivités Territoriales Décentralisées s’attaquent à la question de la pauvreté comme déterminant indirect de l’inadaptation sociale juvénile (glissement de l’enfant vers la rue à la recherche du pain quotidien et exposition à la promiscuité avec d’autres délinquants).
Les confessions religieuses concourent à la prévention de l’inadaptation sociale juvénile par l’éducation des ouailles à l’harmonie familiale et à la parenté responsable.